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Sur Ma Route
8 décembre 2021

La communication sociale et le Covid

Le ministre sénégalais de la Santé, Ablaye Diouf Sarr, lors d'une conférence de presse le 2 mars 2020 après le premier cas de Covid-19 au Sénégal a été confirmé. Seyllou / AFP
Ces institutions ont fait passer leurs messages à la population à travers les communiqués et points de presse quotidiens Naturellement, les médias classiques (télé, radio, presse écrite) ont également fait de cette maladie leur sujet de prédilection.
Dans le même temps, les réseaux sociaux, les sites d'information en ligne et les lieux publics sont issus des relais de ce qu'il est d'usage d'appeler des rumeurs et des «fausses nouvelles», ou encore de l ' «Infodémie».
Comment appréhender les rumeurs?
Ces rumeurs traduisent le déni ou la peur de l'inconnu, pas la volonté d'une désinfection. Des attitudes similaires ont été notées du temps de l'épidémie de peste en Europe où les réactions de peur ont retardé l'acceptation par les populations.
La propagation de ces «infox» apparaîtra également comme les interrogations de la population face à une nouvelle pathologie sur laquelle elle a été récemment peu ou mal informée. Une certaine presse a également fait la part belle aux théories accusant les Blancs et stigmatisant les émigrés en accusant d'avoir introduit le virus au Sénégal.
Certaines des rumeurs sont également développées sur fond d'interprétations religieuses. La vitalité de ce type de discours peut être comme une manière ordinaire, pour les Sénégalais, de décodeur, rationalisateur et rendre intelligible la maladie.
L'idée que la force de la foi protégera le croyant du virus s'est largement répandue parmi les Sénégalais et s'est retrouvée, à bien des égards, dans les attitudes établies par l'État. Le ministre de l'Intérieur s'est ainsi rendu au Magal Porokhane (un rassemblement religieux annuel). Le président de la République a envoyé un ancien premier ministre assister à la prière du vendredi à Touba pour solliciter les prières des autorités religieuses.
La question s'impose: quelle attitude les autorités publiques doivent-elles adopter face au dynamisme de ces diverses réactions à la pandémie?
Une communication de crise focalisée sur la peur n'est pas efficace
En dehors des recommandations biomédicales (gestes barrières), les messages véhiculés par les autorités sanitaires et relayés par la presse ont assuré à entretenir la peur et la stigmatisation: «Le COVID tue! »,« La pente dangereuse »,« Menace de flambée »,« Restez chez vous ».
De tels modes de traitement de l'information sont anxiogènes et suscitent des comportements jugés irrationnels (comme l'a montré le cas du patient fugitif de la Caserne Samba Diéry Diallo qui a contaminé sa femme). C'est une chose choisie d'appeler des populations entières à rester chez elles; c'en est une autre de l'amener à comprendre pourquoi ces mesures sont essentielles et doivent être bien respectées.
Par ailleurs, si le ministère de la Santé a voulu donner des gages de transparence à travers ses communiqués de presse, le format employé a également renforcé l'angoisse: le fait de relater quotidiennement le nombre de cas a conduit la population à s'attendre tous les soirs à l'hécatombe, conformément à la chronique d'une catastrophe annoncée sans cesse relayée par la presse et les réseaux sociaux.
Mieux, la «communication unilatérale» caractérisant cet exercice aussi bien développé que ces rumeurs, ne donnant pas aux médias la possibilité de poser des questions. Comme le souligne Fred Eboko, directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et spécialiste des politiques publiques de santé en Afrique, il est nécessaire d'éviter de faire peur si l'on veut que le message soit bien assimilé par les populations.
De plus, les nombreux débats télévisés contradictoires brouillent le message. Une publication récente de The Lancet a montré que trop-plein d'informations, en particulier discordantes, représentait une source de stress en période d'épidémie.
Un graffiti représentant un homme éternuant dans son coude, à titre préventif contre le Covid-19, le 21 mars 2020 réalisé par les artistes sénégalais de RBS CREW. Seyllou / AFP
Pour éviter une telle situation, il convient de renforcer l'harmonisation de la communication avec tous les partenaires de la lutte - les acteurs publics, la plaque-forme des ONG, les différents groupes de presse… - et, aussi, reconnues des supporte utilisables par tous. Au Sénégal, il faut s'inspirer des leçons apprend d'Ebola et, surtout, mieux préparer les communautés par une communication utilisant des référentiels de base sur le terrain avec des messages contextualisés, harmonisés et spécifiés, évitant les errances communicationnelles
Il convient également de procéder à une évaluation continue des effets des messages diffusés et de prendre des mesures permettant d'améliorer les. Enfin, la focalisation sur les gestes barrières, aux risques liés à la propagation du virus et au respect du confinement ne doit pas faire oublier que le retour des personnes guéries dans leurs communautés doit être accompagné par une communication proactive pour prévenir leur stigmatisation et les conséquences psychosociales qui s'ensuivent.
La communication par le bas, adaptée et contextualisée, est essentielle
Au niveau des districts sanitaires, les acteurs communautaires mènent une campagne nationale de sensibilisation et de communication. Au-delà de ces activités de masse, la communication a surtout été menée par le biais des visites à domicile.
Si Touba, zone ayant fait l'objet de demandes pressantes d'isolement de la partie du Sénégalais inquiets et angoissés, est restée pendant plus d'une semaine sans nouveau cas, c'est le fruit d'un travail collaboratif et d'une approche de proximité. Les acteurs sanitaires de la ville, appuyés par diverses organisations communautaires et les guides religieux, ont encouragé l'adoption des bonnes pratiques d'hygiène, la limitation des déplacements et le respect du couvre-feu. Les plaidoyers en direction des religieux, les visites à domicile, les appuis répartis aux maisons mises en quarantaine pour améliorer leur résilience ont favorisé l'engagement des communautés et l'adoption des comportements souhaités. Cette même approche doit permettre de gérer la résurgence de l'épidémie, avec les nouveaux cas notés récemment.
Quelle communication sur les risques?
Les leçons apprennent des épidémies précédentes qu'il est nécessaire de communiquer de façon à amener les populations à identifier les risques, à évaluer et à comprendre leurs vulnérabilités. C'est ce qui peut inciter à adopter les bons comportements et s'approprier les mesures de lutte.
Aussi, les pouvoirs publics ne peuvent pas espérer que les Sénégalais s'engagent pleinement dans la lutte et changeront significativement les comportements s'ils ne sont pas en mesure de répondre à leurs besoins et de garantir l'accès aux services sociaux de base. Si le taux d'accès global à l'eau est 98,8% avec 90,3% de succursales domiciliaires, cela ne doit pas cacher l'irrégularité du service et les pénuries fréquentes à Dakar par exemple.
Dans ces conditions, commentaire demander à une femme de Yeumbeul (banlieue dakaroise) de rester chez elle après 20 h alors que le robinet ne l'alimente en eau qu'à partir de 23 h? En plus des informations biomédicales sur le Covid-19, il faut sans doute aussi rassurer la population sur ces problèmes qui préoccupent le premier chef pour favoriser l'appropriation des messages de lutte en période de confinement
La communication doit également insister sur les valeurs (contrat social, altruisme) permettant de renforcer les réseaux de solidarité. Les liens qui dissident les individus sont des éléments nécessaires pour gérer la peur et le stress. C'est en se pliant à ces impératifs que la communication sur la pandémie remplira son objectif.

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